Lors de notre dernière Pause Déj de la Transition, le jeudi 16 octobre, animée par Jérémy Alvarez Hérault, DG de TranSyLience, nous avons pu découvrir l’importance stratégique de l’écoconception. Cette intervention a mis en lumière comment repenser les produits, services et processus dès leur conception peut non seulement réduire les impacts environnementaux, mais aussi renforcer la performance et la résilience de l’entreprise.
L’urgence d’un changement de paradigme
La pression sur les ressources naturelles n’a jamais été aussi forte. Sept des neuf limites planétaires sont déjà franchies, touchant biodiversité, sols, océans ou climat. Face à ce constat, les entreprises ne peuvent plus se contenter d’actions symboliques : la transition écologique exige une refonte profonde des modes de production et de consommation.
L’écoconception émerge alors comme un véritable levier de transformation. Plutôt que de simplement “verdir” un produit, elle invite à intégrer la dimension environnementale dès les premières étapes de conception, tout en continuant à viser la performance économique et fonctionnelle.
Comprendre l’écoconception : une approche systémique et méthodique
Selon l’ISO 14006, l’écoconception est une démarche méthodique visant à réduire les impacts environnementaux d’un produit ou service. Son succès dépend de son niveau d’intégration dans la vision et la stratégie de l’entreprise. Elle repose sur trois piliers :
- Vision cycle de vie : chaque produit est analysé de l’extraction des matières premières à sa fin de vie.
- Analyse multicritère : les impacts sont évalués sur de multiples dimensions : climat, eau, ressources, toxicité, etc.
- Amélioration continue : l’objectif n’est pas la perfection, mais le progrès constant, en conciliant faisabilité, coût et impact environnemental.
Cette approche transforme chaque étape du cycle de vie en opportunité d’innovation et d’optimisation.
Intégrer l’écoconception dans la stratégie d’entreprise
Pour être réellement efficace, l’écoconception doit dépasser le cadre technique et devenir un moteur stratégique. Cela implique de :
- Mesurer pour agir : réaliser bilans GES et analyses de cycle de vie (ACV).
- Former et mobiliser : sensibiliser collaborateurs, clients et fournisseurs.
- Redéfinir la stratégie : intégrer durabilité et économie circulaire au cœur du modèle d’affaires.
- Évaluer et communiquer : adopter labels, normes et rapports de durabilité.
Cette démarche fédère les équipes et crée une cohérence entre R&D, production, achats, qualité, communication et direction générale.
Les différents niveaux d’écoconception possibles
L’écoconception peut se déployer à plusieurs niveaux de maturité selon la profondeur de transformation visée :
- L’amélioration du produit existant : on optimise un produit déjà sur le marché, par exemple en réduisant sa consommation d’énergie, en allégeant ses matériaux ou en améliorant sa réparabilité.
- La reconception du produit : il s’agit de repenser la structure même du produit, ses composants ou ses procédés de fabrication, afin de limiter les impacts tout au long du cycle de vie.
- L’innovation des fonctions : l’entreprise réinvente la manière de répondre au besoin client, en proposant une nouvelle solution ou un service différent — par exemple remplacer la vente d’un bien par un service d’usage.
- L’innovation du système : c’est le niveau le plus ambitieux, où l’on remet en question le modèle de consommation lui-même. Il s’agit de créer un nouveau système économique ou social plus sobre et circulaire (économie de la fonctionnalité, mutualisation, partage, réemploi à grande échelle, etc.).
Ces différents niveaux permettent à chaque entreprise de s’engager selon ses capacités, ses ressources et sa stratégie, tout en progressant vers une transformation plus profonde et durable.
Eco-concevoir : bénéfices économiques, environnementaux et stratégiques
Les avantages de l’écoconception sont multiples :
- Réduction des risques : opérationnels, approvisionnements, relocalisation et image.
- Amélioration de la compétitivité : Réduire les coûts, améliorer la rentabilité, développer son CA et répondre aux attentes des clients et fournisseurs.
- Valorisation du capital immatériel : attractivité pour talents, partenaires et investisseurs, innovation en entreprise, attractivité de la marque.
- Positionnement stratégique : différenciation, accès à de nouveaux marchés et co-développement avec clients et fournisseurs.
Limites et défis à surmonter
Comme toute démarche complexe, l’écoconception a ses limites :
- Arbitrages entre bénéfices environnementaux et coûts économiques.
- Données parfois incomplètes (biodiversité, microplastiques, impacts sociaux).
- Effets rebonds ou complexité de communication pouvant entraîner du greenwashing.
Elle doit s’inscrire dans une vision plus large : sobriété, low-tech, économie sociale et solidaire.
Vers une nouvelle culture d’entreprise durable
L’écoconception se construit progressivement. Elle demande la synergie de toutes les compétences – dirigeants, ingénieurs, marketeurs, acheteurs, communicants – autour d’un objectif commun : concevoir autrement, produire mieux et consommer moins. Le premier projet choisi doit être ambitieux mais réalisable, afin de garantir l’apprentissage et l’engagement des équipes.
Intégrée dans une stratégie globale et soutenue par des outils robustes, l’écoconception devient un pilier de la performance durable et transforme la culture de l’entreprise sur le long terme.
L’écoconception n’est pas seulement un outil environnemental : c’est un moteur d’innovation et un levier stratégique qui concilie rentabilité, responsabilité et résilience.
